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Histoire d’une notion. A première vue, l’affaire paraît aussi simple que de glisser un bulletin dans l’urne. Rien ne semble plus démocratique que le référendum, cette consultation directe du corps électoral sur une politique, dont l’origine remonte à la démocratie grecque. En pratique, l’exercice se révèle beaucoup plus compliqué.
Entre les scrutins qui, en Russie ou en Turquie, ont renforcé les pouvoirs du chef de l’Etat et fait le lit de l’illibéralisme et ceux qui, adossés aux délibérations d’une convention citoyenne, ont conduit à la révision pacifiée de la Constitution irlandaise sur l’avortement et le mariage homosexuel, il existe des usages très différents du référendum.
Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 4 octobre, sa volonté d’élargir le champ du référendum, l’histoire éclaire les multiples facettes de cet instrument protéiforme, dont le caractère démocratique dépend beaucoup des modalités de sa mise en œuvre.
En France, la pratique est entachée d’un lourd passif. Sous l’influence de Condorcet, l’initiative populaire est inscrite en 1793 dans la première Constitution républicaine, qui ne sera jamais appliquée. Les détournements plébiscitaires sous le Consulat et les deux Empires vont ensuite laisser des traces dans la mémoire politique. En 1799, c’est par le biais d’une consultation populaire que Napoléon Bonaparte crée les institutions qui vont détourner les principes révolutionnaires à son profit. Cinquante ans plus tard, Napoléon III fait, lui aussi, appel au plébiscite pour légitimer son coup d’Etat. Ces deux épisodes ont discrédité le recours au référendum pour longtemps.
Il faut attendre un siècle pour que la pratique soit ressuscitée par le général de Gaulle. En 1945 puis en 1946, c’est par référendum qu’un nouvel ordre républicain est établi. A partir de la Constitution de 1958, le référendum voit sa légitimité renforcée dans l’article 3 (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ») et l’article 11, qui introduit le référendum législatif d’initiative présidentielle. On reprochera cependant à de Gaulle d’en faire un vote de confiance et un instrument pour contourner, en 1962, les chambres réticentes à l’élection du président au suffrage universel direct. De Gaulle ira au bout de cette logique en démissionnant après l’échec du référendum de 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat.
« Si l’on excepte les référendums révolutionnaires, inscrits dans le processus constituant, le référendum a pris la forme dans notre pays d’une consultation très personnalisée, promue par le chef de l’exécutif, portant strictement sur les questions constitutionnelles, jusqu’à l’apparition, sous la Ve République, de questions liées à la décolonisation et à l’Europe », constate la politiste Laurence Morel, autrice de La Question du référendum (Presses de Sciences Po, 2019).
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